Le CER a participé en 2010 à la dernière édition du Tour de France à la Voile en Farr 30. L’incertitude sur la qualité de l’édition 2011, normalement disputée en M34, a incité l’association genevoise à se tourner vers un autre programme, et participera au Challenge Julius Baer en Décision 35. © Jean-Marie Liot
En fêtant ses 30 ans d’existence ce printemps, le Centre d’Entraînement à la Régate (CER) fait honneur à la poignée de navigateurs qui a eu l’audace de proposer ce concept à la ville de Genève en 1982. À l’origine du projet, Roderick Van Schreven, ancien équipier de Fehlmann durant la Whitbread 77-78, skipper du bateau Ville de Genève au Tour de France à la voile, a réussi à convaincre les autorités genevoises de s’engager. Une première tentative avait été faite l’année d’avant, mais sans succès. Roger Dafflon, alors conseiller administratif en charge des sports, s’est finalement laissé persuader de débloquer un budget, juste après que l’équipage ait terminé 3e du Tour.
Jérôme Clerc et son équipe, prêts à en découdre. © Jean-Marie Liot
La voile pour tous
L’argument que la voile ne devait pas être réservée à une élite, mais plutôt ouverte à ceux qui n’y avaient pas naturellement accès a fait mouche chez ce politicien clairement orienté à gauche. Van Schreven, aujourd’hui directeur des relations économiques extérieures à l’OCDE, argumentait également de la gratuité du stade nautique et de la rade, comparativement aux dispendieux terrains de sport entretenus par la ville. Acquis à la cause d’une voile démocratique, le service des sports acquiert alors deux Fun, baptisés sur la place du Molard, puis amarrés au large de la Belote. Les anciens se souviennent encore des transferts épiques d’équipages entre le quai de Cologny et les voiliers, sur une petite annexe en polyester, à la force de la godille.
Le temps de mettre la structure en place et c’est Dominique Wavre qui reprend les rênes du CER en 1987. Il fonde, avec l’aide de Bernard Haissly, l’association du même nom et offre une situation un peu moins précaire à cette structure un peu bancale. Les statuts fraîchement rédigés stipulent : « Le CER a pour but de promouvoir l’initiation et l’entraînement des filles et des garçons à la compétition à la voile et leur engagement dans des régates sur lac et mer ». André Hediger, qui a succédé à Dafflon poursuit dans son sillage, et défend l’association afin qu’elle puisse bénéficier de moyens en rapport avec ses ambitions. Le centre se voit octroyer une subvention de fonctionnement, ainsi qu’un poste d’entraîneur cantonal qui permet au responsable de se consacrer à 100 % aux nombreuses tâches.
Les années Wahl
Alors que Dominique Wavre s’apprête à repartir sur un troisième tour du monde à bord de Merit,
Yves Nopper, le responsable du service des sports en compagnie de Dominique Wavre lors du montage du stand du CER au Salon Nautique de Genève en 1987. Thomas Fruh cherche à caser l’un des nombreux trophées déjà remportés. © DR
Christian Wahl, présent sur le Tour de France 88 reprend la direction des opérations en 1989. Il restera à la tête de l’association pendant sept ans, secondé par Kiny Parade pour les Tour de France à la Voile 1994 et 1995. Wahl apporte un nouveau souffle à la structure et le CER acquiert une place privilégiée dans le monde de la voile lémanique et internationale. Les entraînements sont structurés, les équipages candidats au Tour de France sont sélectionnés de manière impitoyable, et les trois Surprise, basés à la digue nord de la SNG, sortent plus de 200 jours par an. Les stagiaires sont généralement des équipiers convoités.
Administrateur en 1987 et 1988, Dominique Wavre est à l’origine de la création de l’Association CER. Ici au timing, lors d’un entraînement sur les premiers Surprise. © DR
Aujourd’hui, après le passage de quatre autres administrateurs (voir encadré), le talentueux Jérôme Clerc dirige le CER, avec Bryan Mettraux, Sylvain Wenger et Cédric Schmidt. L’association affiche un budget de fonctionnement d’un peu plus de 350’000 francs pour l’ensemble de ses activités. Les deux tiers sont pris en charge par la Ville de Genève.
Le D35 en lieu et place du Tour de France
Cette année, pour la première fois depuis le début 90, le CER ne va pas présenter de bateau au Tour de France à la Voile. L’épreuve reine du calendrier traverse une période difficile et le M34, choisi par l’organisation pour remplacer le Farr 30, ne fait pas l’unanimité. Pour Jérôme Clerc, il est préférable de sauter un tour : « Il n’était pas souhaitable de rejoindre un projet bancal. Il vaut mieux investir nos ressources dans un autre support pour rester crédible et compétitif. » Après avoir étudié différentes options, le comité a décidé de s’aligner en Décision 35 pour cette année, en remplacement du Tour de France. Le CER loue donc le Zebra 7 à son propriétaire, et va participer à l’ensemble du circuit, qui se terminera sur les bords de la Méditerranée l’automne prochain. Les stagiaires vont donc pouvoir tâter du multicoque au meilleur niveau, ce qui correspond parfaitement aux objectifs de l’association. « Bien sûr, nous ne pourrons pas faire naviguer autant de monde que sur un Tour de France. En compensation, les Surprise vont participer à un programme un peu plus étoffé en Méditerranée, pour permettre à nos jeunes de découvrir la régate en mer », confie encore l’administrateur. Nul ne sait si le CER reviendra sur le Tour de France, mais une chose est sûre, ce passage en D35 ne pouvait pas mieux tomber pour marquer cet anniversaire réjouissant.