Après la réalisation d’Andermatt Swiss Alps, l’investisseur égyptien Samih Sawiris récidive. Il prévoit de construire un complexe touristique avec port de plaisance au bord du lac d’Uri, au cœur même de la Mecque des sports nautiques. Au sein de la communauté vélique, son projet fait naître de grands espoirs.
S’il faut lui reconnaître une chose, c’est que Samih Sawiris ne lâche pas prise. Débar- qué à Andermatt il y a 17 ans, on ne le prenait guère au sérieux lorsqu’il présentait son projet de construire un site de vacances composé de six hôtels, 42 résidences, un grand terrain de golf et un domaine skiable moderne. Il en aurait fallu plus pour décourager Sawiris. Avec une détermination qui frise l’obsession, il a fait fi de tous les vents contraires et investi un milliard pour concrétiser sa vision. Aujourd’hui, le site est en phase de finalisation et tout le monde doit reconnaître qu’il a permis à la sta- tion uranaise de connaître un nouvel essor. À Andermatt et ailleurs, on reconnaît que Sawiris est un visionnaire et un homme d’action. Le scepticisme a laissé place à l’admiration.
Tout récemment, Sawiris a fait la une avec un nouveau projet qui prévoit la réalisation d’un site nautique et touristique au bord du lac d’Uri. L’idée de construire un tel complexe dans le cadre enchanteur d’un promontoire ne date certainement pas d’hier. « Mon inté- rêt pour la région remonte à 2008, a-t-il révélé aux nombreuses personnes venues assister à sa séance d’information organisée en avril dernier. Mais à l’époque, on m’avait conseillé de terminer d’abord mon projet à Andermatt, sinon personne ne me prendrait au sérieux. Je n’en ai donc plus parlé, sans oublier pourtant l’idée. »
Des problèmes à la pelle
Si Sawiris est un personnage respecté depuis longtemps et qu’on se doit de prendre au sérieux, il est tout aussi indiscutable qu’il doit af- fronter une montagne de problèmes au lancement de son nouveau projet. Après avoir réussi à sortir Andermatt de son sommeil profond et à lui insuffler une nouvelle vie, l’adhésion de la population lui est quasi- ment assurée. Les problèmes devraient plutôt venir de l’emplacement prévu du site. Le terrain situé à l’embouchure de l’Isentalerbach abrite en effet une ancienne usine d’explosifs. Ce n’est autre qu’Alfred Nobel qui y a construit une fabrique de dynamite à la fin du XIXe siècle. Les explosifs servaient à creuser le premier tunnel ferroviaire du Gothard. Il y a quelques années, l’usine a cessé sa production de nitroglycérine.
Certains bâtiments sont toutefois classés et ne peuvent être détruits. Toute la presqu’île d’Isleten fait partie des paysages, sites et monu- ments naturels d’importance nationale. Plusieurs organisations de défense de l’environnement ont d’ores et déjà annoncé qu’elles s’op- poseraient au projet. En plus des problèmes liés à la protection de la nature, du patrimoine et des eaux, il faudrait changer le tracé de la route cantonale.
Le port de plaisance au cœur du projet
Pour la plupart des investisseurs, ces obstacles suffiraient à laisser tom- ber le projet. Pas découragé pour autant, Samih Sawiris a acheté le terrain avec l’usine laissée à l’abandon qu’il n’a pas le droit de démolir. Il compte y construire un hôtel trois ou quatre étoiles avec une cinquantaine de chambres et une centaine d’appartements hôteliers ainsi que des restaurants et des locaux commerciaux et une zone de loisirs. Mais la pièce maîtresse sera une installation portuaire à l’inté- rieur des terres. Le delta sera dragué et une baie artificielle avec une petite île conférera au complexe une ambiance méditerranéenne. Le port devrait pouvoir accueillir une cinquan- taine de bateaux, 25 sur les emplacements fixes et 25 sur les places visiteurs.
Un nouvel essor pour la voile ?
Le projet comprend également une école de voile. Son impact sur la voile dans la région est pour le moment incertain. Peut-on s’attendre à une infrastructure permettant d’organiser de grands événements véliques ? Suite à la cessation d’activité du club de voile d’Uri et puisque le port de Sisikon n’a pas les capacités nécessaires pour accueillir de grandes régates, l’espoir est grand de voir une nouvelle base faire son apparition dans ce haut-lieu nautique.
Quelle importance accordera Sawiris aux attentes de la communauté vélique ? Ce que beaucoup ignorent, c’est que Sawiris pratique lui-même la voile, possède un yacht sur le lac des Quatre-Cantons et a un faible pour le lac d’Uri. Sawiris a la réputation d’être avenant et toujours à l’écoute des préoccupations du public. Peut-être existerait-t-il même une possibilité de conclure un accord avec Swiss Sailing pour construire un centre d’entraînement destiné à l’élite ?
Une chance aussi pour les surfeurs et kitesurfeurs ?
Les navigateurs ne sont pas les seuls à espérer qu’un nouveau centre de compétences y voit le jour. La communauté des kitesurfeurs et windsurfeurs rêve également d’un nouveau hotspot. Florian Jauch, le directeur et copro- priétaire de Windsurfing Urnersee, une école située en face, sur l’autre rive, voit le projet d’un bon œil : « Le terrain au bord de l’Isleten est pour l’instant complètement en friche, de grandes parties du site ne sont pas accessibles au public. La situation ne peut donc que s’améliorer, d’autant plus que la rive est appelée à devenir entièrement accessible au public , estime-t-il. Samih Sawiris se doit d’intégrer les sports nautiques dans son site. Ce n’est pas un endroit pour s’adonner au farniente sous un parasol, il y a pratiquement toujours des vents forts, ce qui est donc idéal pour la voile. »
On verra s’il s’agit d’un optimisme de circonstance ou d’un vœu pieux des amateurs de sports nautiques. Et si les spéculations devaient se révéler fausses, reste toujours l’espoir que quelques-uns des 100 loge- ments prévus soient vendus à des navigateurs, véliplanchistes et kite- surfeurs susceptibles de grossir les rangs des associations nautiques sur place et donner un nouvel élan aux clubs locaux et à toute la commu- nauté vélique de Suisse centrale.
Texte : Walter Rudin