L’organisation genevoise vit en 2024 la cinquième et dernière année de son projet de navigation socio-artistico-scientifique dans le Grand Nord. En attendant la finalisation de son prochain cycle d’expéditions, sa directrice dresse un bilan des plus récentes aventures de Pacifique.
Texte : Oliver Dufour
Photos : Léa Dillard
Pacifique se porte comme un charme. Active sur plusieurs mers du globe, la fondation a vécu une année 2023 trépidante et s’apprête à en faire autant au cours des mois à venir. L’un des événements phares, parmi les différents projets réalisés, a été le fameux passage du Nord-Ouest, entre le Groenland et l’Alaska, qui a été achevé en septembre dernier par l’un des équipages, dans la quatrième année de son projet « The Arctic Expedition ».
Une véritable aventure qui comporte toujours de nombreuses incertitudes, lorsqu’il s’agit de naviguer dans les redoutables glaces septentrionales. Le voyage a finalement duré deux mois à bord du voilier Que Sera, que Pacifique a dû équiper dans la mesure où Mauritius, sa fidèle goélette opérant depuis le début de l’aventure en 2020, était contrainte au repos forcé pour des questions d’assurances. Plus petit que son prédécesseur avec ses huit places à bord, ce voilier en aluminium a parfaitement accompli sa mission, même si le parcours n’était pas de tout repos.
Prisonnier des glaces
« Lorsqu’on se lance dans la préparation de ce genre d’expédition, on est aux prises avec des tonnes d’inconnues, relève Stéphanie Stiernon, directrice de Pacifique. Le passage du Nord-Ouest n’est réalisable que pendant une période limitée et, certaines années, il ne s’ouvre même pas du tout. Après une dizaine de jours de navigation, Que Sera s’est d’ailleurs retrouvé bloqué par les glaces durant une bonne semaine à l’entrée du chenal menant à Pond Inlet, au Nunavut. C’était une expérience très particulière pour certaines personnes à bord, pour qui la navigation polaire était une expérience nouvelle.
Généralement, lorsqu’on part en voyage, on a des dates précises de début et de fin. Là, tout a été décalé et incertain, ce qui n’était pas évident à gérer pour tout le monde », ajoute-t-elle. Un petit passage a tout de même fini par s’ouvrir au début du mois d’août, ce qui a permis au voilier de poursuivre sa route sans encombre pour rejoindre la communauté inuite afin d’accueillir le projet « Beyond Her Horizons », un groupe entièrement féminin dont l’objectif était de documenter et d’honorer les récits inédits des femmes inuites et canadiennes dans l’histoire de l’exploration de l’Arctique.
« Mais nous n’étions pas au bout de nos peines, puisque les gigantesques incendies qui ont frappé tout le nord du Canada durant cette période ont également perturbé notre progression, raconte Stéphanie Stiernon. Les voies aériennes ont été fermées, ce qui a empêché les changements d’équipage qui avaient été prévus. On peut dire que le voyage a été représentatif des changements climatiques actuels. On a essayé d’anticiper au maximum les événements, mais on reste tributaires des aléas de la nature. Dans le cadre de notre projet scientifique Arctic Change, mené en collaboration avec l’Université de Genève, nous avions également prévu de récolter des échantillons de glace pour le monitoring des gaz à effets de serre, mais après la sortie du passage, il n’y en avait plus un seul morceau nulle part ! »
Aller-retour
L’enrichissante expédition s’est néanmoins terminée de belle manière pour l’équipage de Que Sera, l’un des seize voiliers à avoir réussi le passage du Nord-Ouest en 2023. Cette année, dernière saison en Arctique pour Pacifique, a vu le bateau de la fondation reprendre la mer à la mi-mai. Depuis septembre dernier, le voilier était en chantier pour les derniers préparatifs. Il a depuis repris la mer depuis l’Alaska avec pour objectif de se réengager dans le passage en sens inverse. En plus de ses recherches scientifiques et sociales, cette nouvelle année d’expédition invite à nouveau des artistes participant à Sillages, un projet de publication poétique et dessinée. « Nous espérons recevoir à bord des artistes locaux de la communauté inuite, avec laquelle nous avons tissé des liens au cours des récentes expéditions », anticipe Stéphanie Stiernon.
En ce qui concerne le voilier Fleur de Passion, à nouveau opérationnel à la suite d’un chantier de 16 mois après avoir échoué sur un récif coralien en 2021, il s’est réengagé dans une expédition avec un groupe de jeunes en réinsertion, notamment aux Açores et au Cap Vert. En début d’année, le voilier était également au Sénégal et en Gambie pour un projet de collaboration scientifique sur l’étude des mangroves.
En 2025, Pacifique repartira par ailleurs pour un nouveau cycle d’objectifs, dont la fondation doit encore déterminer le fil rouge. Afin de mener à bien ses différents projets, l’organisation mise également sur le soutien financier et matériel de la part de sponsors. En cas d’intérêt, les informations nécessaires peuvent être prises via la page de contact du site de la fondation : pacifique.ch/contact
Pacifique s’affichera aux fêtes maritimes
L’été à venir s’annonce particulièrement festif pour Pacifique, avec la participation à deux grands événements navals de la côte atlantique française. Du 12 au 17 juillet, la fondation amarrera ses deux bateaux, Mauritius et Fleur de Passion, aux fêtes maritimes de Brest. Cet événement réunit tous les quatre ans, depuis 1992, plus d’un millier de bateaux traditionnels venus du monde entier. Depuis la rade de Brest, les voiliers de Pacifique mettront ensuite le cap vers la baie de Douarnenez, en traversant la mer d’Iroise pour venir accoster aux fêtes maritimes éponymes, du 18 au 21 juillet. Là encore, il s’agira de se mêler aux centaines d’embarcations représentatives du patrimoine marin qui se réunissent tous les deux ans au port du Rosmeur.
Ces occasions seront belles pour le nombreux public présent de découvrir de près les splendides voiliers que sont Mauritius, goélette de 30 m en acier, construite en 1963, et Fleur de Passion, ketch traditionnel de 33 m en bois sur structure en acier, transformé en 1976 à partir d’un poseur de mines allemand de 1941. Durant ces fêtes bretonnes, Pacifique animera également un stand à proximité de ses bateaux pour présenter ses diverses activités aux visiteurs, comme des ateliers artistiques avec des illustrateurs partenaires, une exposition photo de ses expéditions ou encore une projection de ses films sur les voiles.